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Transfert intracommunautaire du siège statutaire d'une société sans déplacement du siège réel : application du principe de libre établissement

Affaires - Sociétés et groupements
31/10/2017
Les Etats membres ne peuvent pas imposer une obligation de liquidation aux sociétés qui souhaitent transférer leur siège statutaire dans un autre Etat membre. Le transfert du siège statutaire d'une société sans déplacement de son siège réel relève de la liberté d'établissement protégée par le droit de l'Union. 
Telle est la solution apportée par la CJUE dans une décision du 25 octobre 2017. L'affaire concerne une société établie en Pologne. En 2011, l'assemblée générale extraordinaire des associés de cette société décide, par une résolution, de transférer son siège social au Luxembourg. Il ne ressort pas de cette résolution que le lieu de la direction des affaires de la société et celui de l'exercice effectif de son activité économique seraient eux aussi transférés au Luxembourg. Sur le fondement de cette résolution, l'ouverture de la procédure de liquidation est inscrite au registre du commerce polonais. En 2013, le siège social de la société est transféré au Luxembourg et la société change de nom, devenant une société de droit luxembourgeois. La société demande au tribunal d'enregistrement polonais d'être radiée du registre du commerce polonais, ce que refuse le tribunal.

La société forme un recours contre cette décision. Saisi en cassation, la Cour suprême de Pologne demande, tout d'abord, à la Cour de justice si la liberté d'établissement est applicable au transfert du seul siège statutaire d'une société constituée en vertu du droit d'un Etat membre vers le territoire d'un autre Etat membre, dans le cas où cette société est transformée en une société relevant du droit de cet autre Etat membre sans déplacement de son siège réel. Ensuite, la Cour demande si la réglementation polonaise subordonnant la radiation du registre du commerce à la dissolution de la société au terme d'une procédure de liquidation est compatible avec la liberté d'établissement.
 
En énonçant la règle précitée, la Cour répond aux questions préjudicielles posées. Ainsi, la Cour considère qu'une situation dans laquelle une société constituée selon la législation d'un Etat membre souhaite se transformer en une société de droit d'un autre Etat membre relève de la liberté d'établissement, quand bien même cette société exercerait l'essentiel voire l'ensemble de ses activités économiques dans le premier Etat membre. Aussi, la décision de transférer vers le Luxembourg le seul siège statutaire de la société sans transfert de son siège réel ne saurait, en soi, avoir pour conséquence de soustraire ce transfert à la liberté d'établissement. Par ailleurs, la Cour considère que, en exigeant la liquidation de la société, la réglementation polonaise est de nature à gêner voire à empêcher la transformation transfrontalière d'une société. Cette réglementation constitue donc une restriction à la liberté d'établissement.

Par Charlotte Moronval
Source : Actualités du droit