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Cyril Murie, directeur de l'innovation de la Chambre nationale des huissiers de justice : « Syllex vise à réinventer la justice et développer de nouvelles solutions au service des justiciables »

Tech&droit - Start-up
20/11/2017
Blockchain, intelligence artificielle, etc. : les huissiers doivent eux aussi être proactifs face à l’accélération des mutations technologiques. La Chambre nationale des huissiers de justice (CNHJ) vient d’annoncer en ce sens le lancement de Syllex, un incubateur et un accélérateur. Les explications de Cyril Murie, directeur de l'innovation de la CNHJ.
Actualités du droit : En quoi ces nouvelles technologies impactent-elles la profession d’huissier ?
Ces nouvelles technologies vont nous permettre de faire évoluer notre façon de travailler : travailler autrement, informer différemment nos clients, travailler plus vite et de manière beaucoup plus efficace nos dossiers.

Les nouvelles technologies créent beaucoup de nouvelles opportunités qui sont de nature à apporter de nouveaux services à nos clients-utilisateurs. La propriété intellectuelle est ainsi en train de connaître une révolution grâce à la blockchain, ce qui va générer de nouvelles opportunités pour les huissiers de justice et leurs constats.

Notre crainte est plutôt de rater une opportunité. Chaque jour, ce sont de nombreuses nouvelles idées qui se présentent.
 
ADD : Que recherche la profession d’huissier à travers la création de cet incubateur ?
Nous sommes partis de trois idées. La première c’est que ces compétences technologiques, ce sont les start-up qui les ont, pas nous. Donc, nous avons voulu créer un incubateur pour accueillir des start-ups.
 
La deuxième, c’est que cet accélérateur est pour les sociétés un moyen d’aller chercher du financement : ce n’est pas le métier de la profession d’huissier de justice de savoir prendre des risques financiers très importants.  D’où la nécessité de créer une structure spécifiquement destinée à cela.
 
Et enfin, on sait très bien que, si jamais l’activité démarre, il faudra rapidement gagner des parts de marché à l’international, ce qui se fait beaucoup mieux via une start-up.
 
ADD : Syllex a-t-il vocation à dégager et à développer de nouvelles opportunités économiques pour les seuls huissiers ou poursuit-il une vocation plus générale ?
On a clairement une vocation générale. Il faut évidemment que l’huissier de justice intervienne, mais ces nouveaux services reposent aussi sur des technologies innovantes.

Syllex vise plus largement à développer de nouvelles solutions au service de la justice et des justiciables.
 
ADD : Le nombre d’incubateurs rien que sur la place de Paris est déjà pléthorique. Que va apporter de plus Syllex à cet écosystème ?
Syllex a pour objectif d’accueillir les start-ups, les sociétés qui nous permettent de répondre à notre objectif : réinventer la justice.  Si elles s’inscrivent dans cet objectif, nous leur apporterons les premiers clients, un réseau de distribution de leurs produits.
 
Par conséquent, nous n’avons pas vocation à accueillir plusieurs dizaines de start-up. En première analyse, au maximum, elles seront au plus au nombre de 6 ou 7. Actuellement, il y en a deux et ce n’est pas une priorité d’en accueillir une troisième.
 
Comme notre objectif est d’établir un partenariat très fort qui s’inscrit dans la durée, il faut savoir prendre le temps pour trouver le bon partenaire.
 
ADD : Quelles seront précisément les missions de cet incubateur ?
L’idée, c’est la mise en place d’un accompagnement juridique, la mise en relation avec le réseau des huissiers de justice, l’implémentation des solutions technologiques développés par les start-ups sur la totalité de nos plateformes. Nous allons donc créer un écosystème de solutions interopérables et homogènes.
 
Nous souhaitons également que les huissiers de justice s’emparent de ces solutions pour se saisir des opportunités qu’elles représentent.
 
ADD : Sur quels critères sont sélectionnées les sociétés accompagnées par cet incubateur/accélérateur ?
Notre objectif est de réinventer la justice. Par conséquent, les critères sont fixés en fonction de cet objectif. De manière schématique, ils sont au nombre de deux :
  • L’équipe : nous voulons une équipe qui croit à son projet, qui veut le faire grandir à l’international et durer dans le temps ;
  • Combler, de manière pertinente, un vide technologique.
ADD : Quels types de solutions devront-elles proposer ?
L’idée, c’est d’apporter un service qui aide au règlement en ligne des litiges. C’est le fondement de notre travail autour de l’identité numérique des entreprises.
 
Par exemple, sur notre première plateforme, on nous appelait parce qu’un responsable avait perdu les identifiants de l’utilisateurs de la plateforme. Nous avons développé Idecys pour répondre à cela.
 
Une start-up c’est une structure beaucoup plus adaptée, qui va permettre de dégager des nouveaux services qui vont aller plus loin que le seul métier des huissiers de justice.
 
ADD :  Combien de sociétés sont-elles déjà incubées par Syllex ?
Deux pour l’instant. La première société est consacrée à l’identité numérique (www.idecys.io). L’absence d’identité numérique performante des entreprises est un frein à la justice en ligne. Idecys propose une solution d’identité numérique dédiée aux entreprises, qui comprend aussi bien l’identité numérique simple que la signature en ligne. Elle propose un service qui permet de gérer plus simplement la délégation des autorisations au sein des entreprises, enjeu majeur pour les PME et TPE (durée de la délégation, champ, etc.).
 
La seconde société Concord, créée en collaboration avec le laboratoire de cyberjustice de l’Université de Montréal, a pour objectif de développer des solutions consacrées au règlement en ligne des litiges. D’ores et déjà, la première solution en production, www.medicys.fr traite chaque jour des médiations de la consommation de manière totalement dématérialisée. La technologie nous a permis de trouver un modèle économique pertinent sur des litiges de l’ordre de 500€, ce qui est déjà une première avancée pour les justiciables (les petits litiges du droit de la consommation).
 
Nous souhaitons que la médiation, encore un peu confidentielle, devienne une étape du règlement des litiges connue de tous. Actuellement, le plus souvent, une des parties abandonne dès le départ ses prétentions, souvent celle à qui l’on doit de l’argent ou la réalisation d’une action soit parce qu’elle imagine que cela sera trop long ou trop cher.  Notre objectif est de rendre cela pratique, pertinent économiquement et efficace, de les prendre au départ et les amener jusqu’à leur terme en ayant utilisé les bons outils juridiques de manière transparente pour l’utilisateur.
 
Aujourd’hui Médicys s’appuie sur l’expertise des huissiers de justice dans la gestion des conflits pour réduire le nombre de procédures judiciaires tout en offrant aux justiciables, simplicité, gain de temps et économies. 
En fonction des éléments communiqués, la plateforme bascule les parties vers la médiation adaptée : 
  • e-médiation : solution pertinente pour les litiges simples,  notamment en droit de la consommation, agréée par la CECMC (Commission d’Evaluation et de Contrôle de la Médiation de la Consommation), elle est gratuite pour le consommateur et répond à l’obligation légale pour les professionnels de proposer à leurs clients particuliers une procédure de médiation gratuite, accessible en ligne ou par courrier. 
  • ou médiation sur mesure : solution qui permet la résolution des litiges plus complexes en présentiel ou par visio-conférence. 
Au maximum, l’accélérateur accueillera sept start-up. Notre objectif est vraiment de devenir un partenaire fort des start-ups et d’inscrire notre coopération dans la durée.
 
 
 
Propos recueillis par Gaëlle MARRAUD des GROTTES
 
Source : Actualités du droit