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PACTE et ICO : modifications a minima en commission spéciale

Tech&droit - Blockchain
11/03/2019
Lors de l’examen du projet de loi PACTE par la commission spéciale de l’Assemblée nationale, le 7 mars 2019, deux amendements ont modifié le futur cadre juridique des initial coin offerings, posé à l'article 26 de ce texte. Le point.
Peu à peu, au gré des commissions et des lectures en séances publiques, le cadre du régime français des offres de jetons posé à l’article 26 du projet de loi PACTE se dessine. Avec une méthodologie précise : identifier les points sur lesquels l’intervention du législateur est nécessaire, notamment pour protéger les investisseurs, tout en laissant,par ailleurs ce nouveau moyen de lever de fonds faire ses preuves. Quitte à ce que le législateur réintervienne plus tard. C’est ce qu’a rappelé Jean-Noël Barrot, rapporteur, en commission spéciale le 7 mars 2019 : « Il est vrai que c’est une forme d’expérimentation, d’ailleurs confirmée par le Sénat puisqu’il n’a pas supprimé cet article ».
 
Rappel sur les principales modifications apportées au Sénat, le 12 février 2019
- amendements de coordination ;
suppression de l’obligation pour la Caisse des dépôts et consignations de fournir des services bancaires ;
le document d’information établi à l’occasion d’une levée de fonds via des crypto-actifs peut être rédigé dans une langue usuelle en matière financière, autre que le français. Dans ce cas, il devra toutefois être assorti d’un résumé en français.
TA Sénat n° 60, 2018-2019 ; v. également Assemblée nationale, doc. de travail, 1er mars 2019
 
Treize amendements avaient été déposés sur le régime de l’offre public de jetons posé par l’article 26 du projet de loi PACTE. Seuls deux, identiques, portant sur l’accès à un compte bancaire ont été adoptés. Et comme lors de la première lecture (v. PACTE et ICO : l’article 26 est voté !, Actualités du droit, 1er oct. 2018), deux problématiques ont cristallisé les débats : les réflexions autour d’une meilleure information des investisseurs (instauration d’un document annuel de référence) et le droit au compte des émetteurs d’ICO et de tous les prestataires du marché primaire et secondaire. 
 
Détail des amendements rejetés ou retirés
  • Suppression de l’article 26 : TA AN, n° 1673, 2018-2019, amendement n° 198 ; pour Daniel Fasquelle, en effet, « La France serait le seul pays européen à reconnaître de tels produits en dehors d’un champ normatif suffisamment fort. Il existe un risque systémique : on va mettre en place des produits encore plus dangereux que ceux ayant conduit à la crise de 2008, avec un risque non seulement pour les investisseurs, qui ne seront pas suffisamment protégés, mais aussi en termes de blanchiment d’argent. Il ne nous semble pas raisonnable que la France s’engage seule sur cette voie » ; les auteurs de cet amendement suggère donc de réguler au niveau européen ;
  • Réserver l’offre de jetons aux investisseurs avertis : TA AN, n° 1673, 2018-2019, amendement n° 377 ; TA AN, n° 1673, 2018-2019, amendement n° 378 ;
  • Rendre le visa de l’AMF obligatoire : TA AN, n° 1673, 2018-2019, amendement n° 199 ; TA AN, n° 1673, 2018-2019, amendement n° 305 ; TA AN, n° 1673, 2018-2019, amendement n° 428 ;
  • Obligation de communiquer à l’AMF une étude permettant d’établir la conformité entre document d’information et programme informatique exécutant l’offre au public de jetons : TA AN, n° 1673, 2018-2019, amendement n° 829 ; comme en première lecture devant l’Assemblée nationale, le gouvernement s’est opposé à une telle étude ; pour Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances,  «  La mesure (…) représenterait un effort et un coût supplémentaires qui seraient sans doute significatifs, alors que les émetteurs de jetons seront déjà soumis à des exigences importantes dans le cadre de leur demande de visa auprès de l’AMF. En raison de sa complexité et de son coût, une telle obligation risquerait de dissuader certains acteurs de demander un visa dans un écosystème qui est encore émergent. Il n’existe pas encore d’experts véritablement reconnus en la matière, ou en tout cas ils sont peu nombreux » ; néanmoins, cet amendement pourrait être retravaillé en vue de la séance publique ;
  • Obligation de communiquer un document de référence annuel transmis par l’émetteur d’une ICO aux souscripteurs, afin de les informer du nombre de jetons émis, de l’état d’avancement du projet économique et de tout élément susceptible d’avoir un impact sur la valeur des jetons : TA AN, n° 1673, 2018-2019, amendement n° 830 ; l’objectif, pour Pierre Person, auteur de cet amendement, « mieux informer ceux qui investissent dans les ICO et inciter les entreprises à tenir le cap dans le développement du projet pour lequel ils ont levé les fonds. Je vous propose que les investisseurs reçoivent chaque année un reporting dans lequel l’entreprise ferait état de l’avancement du projet et de tous les éléments susceptibles d’avoir un impact sur la valeur des jetons » ; là encore, cet amendement pourrait être retravaillé en vue de la séance publique, en vue, propose Jean-Noël Barrot, de « trouver une rédaction plus souple. Je pense notamment, précise le rapporteur, que le document annuel n’a peut-être pas besoin de préciser le nombre de jetons émis, qui est connu depuis le début » ;
  • Délai de recours en cas de refus des établissements de crédits ainsi que les sanctions appliquées en cas de manquement à leurs obligations : TA AN, n° 1673, 2018-2019, amendement n° 550 ;
  • Subsidiarité de la Banque de France en cas de refus d’ouverture de comptes d’autres établissements : TA AN, n° 1673, 2018-2019, amendement n° 41 ;
  • Subsidiarité de la Banque postale en cas de refus d’ouverture de comptes d’autres établissements : TA AN, n° 1673, 2018-2019, amendement n° 42
L’accent mis sur l’amélioration de l’accès au compte bancaire
Les débats ont de nouveau tourné autour de l'effectivité de ce droit au compte. Pour Laure de La Raudière, députée de l'Eure-et-Loir, « Nous avons inséré à l’alinéa 41 de l’article 26 un droit au compte qui n’en est pas vraiment un : il ne prévoit pas un pouvoir suffisamment contraignant à l’égard des banques à propos de l’obligation d’ouvrir des comptes ».

Les deux seuls amendements adoptés portent précisément sur ce droit au compte :
  • Contestation du refus d’ouverture de compte bancaire : cet amendement présenté par Laure de La Raudière concerne les modalités de recours en cas de refus d’ouverture de compte bancaire.  Il rétablit la rédaction issue de l’Assemblée nationale (v. PACTE et ICO : l’article 26 est voté !, Actualités du droit, 1er oct. 2018) : « Les conditions d’application du présent article sont précisées par décret. Celui-ci précise notamment les voies et délais de recours en cas de refus des établissements de crédit » TA AN, n° 1673, 2018-2019, amendement n° 40 ; 
  • Contestation du refus d’ouverture de compte bancaire : il s’agit d’un amendement présenté par Pierre Person, Valeria Faure-Muntian, Jean-Michel Mis et Eric Bothorel. Son objectif : garantir notamment que des règles claires et connues de tous soient établies afin de régir les conditions d’accès à un service de dépôt et de paiement pour les entreprises blockchain. L’alinéa 41 de l’article 26 serait donc ainsi rédigé : « Les conditions d’application du présent article sont précisées par décret. Celui-ci précise notamment les voies et délais de recours en cas de refus des établissements de crédit » TA AN, n° 1673, 2018-2019, amendement n° 820.
 
Prochaine étape désormais, la séance publique, qui débute le 13 mars prochain.
Source : Actualités du droit