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PACTE et ICO : modification à la marge en séance publique

Tech&droit - Blockchain
19/03/2019
Le cadre de régulation des initial coin offerings semble stabilisé à l’issue du vote en séance publique du projet de loi PACTE, le 15 mars 2019.
Un cadre juridique désormais stable
Lors de l’examen en commission spéciale, le 7 mars dernier, (v. PACTE et ICO : modifications a minima en commission spéciale, Actualités du droit, 11 mars 2019) seuls deux amendements avaient modifié le futur cadre juridique des initial coin offerings, posé à l'article 26 du projet de loi PACTE.
 
Rappel des modifications adoptées en commission
– Contestation du refus d’ouverture de compte bancaire : cet amendement présenté par Laure de La Raudière concerne les modalités de recours en cas de refus d’ouverture de compte bancaire.  Il rétablit la rédaction issue de l’Assemblée nationale (v. PACTE et ICO : l’article 26 est voté !, Actualités du droit, 1er oct. 2018) : « Les conditions d’application du présent article sont précisées par décret. Celui-ci précise notamment les voies et délais de recours en cas de refus des établissements de crédit » TA AN, n° 1673, 2018-2019, amendement n° 40 ; 
– Contestation du refus d’ouverture de compte bancaire : il s’agit d’un amendement présenté par Pierre Person, Valeria Faure-Muntian, Jean-Michel Mis et Eric Bothorel. Son objectif : garantir notamment que des règles claires et connues de tous soient établies afin de régir les conditions d’accès à un service de dépôt et de paiement pour les entreprises blockchain. L’alinéa 41 de l’article 26 serait donc ainsi rédigé : « Les conditions d’application du présent article sont précisées par décret. Celui-ci précise notamment les voies et délais de recours en cas de refus des établissements de crédit » TA AN, n° 1673, 2018-2019, amendement n° 820.

En vue de la séance publique, seize amendements avaient été déposés. Mais un seul a été adopté et peu d’éléments nouveaux sont venus nourrir les débats. En pratique, rien n’a bougé sur le droit au compte, ni sur le label. Une seule évolution : l’information des investisseurs.
  • Amendement no 607 : amendement de suppression de l’article 26 ;
  • Amendement no 1171 : investissement réservé aux professionnels et visa obligatoire ;
  • Amendement no 118 et no 870 : rendre obligatoire un document de référence annuel transmis par l’émetteur d’une ICO aux souscripteurs pour les tenir informés ;
  • Amendement no 1172 : investissement réservé aux professionnels et visa obligatoire
  • Amendement no 127, amendement n° 608, amendement n° 867, amendement n° 339, amendement n° 703, amendement no 168, amendement no 1173 : rendre obligatoire le visa de l’AMF ;
  • Amendement no 429 : présenté par Pierre Person et repris par le gouvernement, cet amendement vise à prévoir que le document d’information visé par l’AMF présente les modalités d’une information annuelle aux souscripteurs sur l’utilisation des actifs recueillis. L’objectif : assurer une information régulière, tout en laissant de la souplesse aux émetteurs pour définir les conditions dans lesquelles cette information sera effectuée ;
  • Amendement no 431 : soutenu par Pierre Person, cet amendement était destiné à permettre à l’Autorité des marchés financiers de réaliser si elle le souhaite, une analyse complémentaire certifiant que le code source des jetons et du « smart contract » (programme informatique permettant d’exécuter l’offre au public de jetons) correspond techniquement au projet qui lui a été présenté dans le document d’information.
Une seule évolution : l’information des investisseurs
Une nouvelle fois, les débats ont principalement porté sur le caractère facultatif de ce label, amenant Agnès Pannier-Runacher à rappeler que « la plupart des arnaques en ligne qui touchent aujourd’hui certains particuliers non avertis concernent très peu les ICO – initial coin offering. Il s’agit plutôt d’offres frauduleuses sur des cryptomonnaies au sens strict, telles que le bitcoin ». Un certain nombre de députés considèrent, en effet, que ce cadre juridique ne protège pas assez les investisseurs. Daniel Fasquelle soutient ainsi qu’ « il existe un risque systémique et un risque pour les investisseurs. D’ailleurs, ces risques sont tellement considérables que ce type de produit a été interdit dans certains pays. Cette activité est très strictement réglementée aux États-Unis (…) ». Mais pour la ministre, « Ce n’est pas en rendant obligatoire le visa de l’AMF qu’on luttera contre les phénomènes de bulle que vous avez mentionnés. Nous n’avons que peu de prise sur la circulation de cryptomonnaie venue de l’étranger ».

Depuis le projet de loi initial, l’Assemblée et le Sénat ont renforcé ce dispositif initial de « plusieurs précautions juridiques qui nous permettent d’être assez confiants, a tenu à rappeler Jean-Noël Barrot, rapporteur, dans la capacité de ce dernier à ne pas mettre en difficulté les épargnants. Nous avons ainsi renforcé le pouvoir de l’AMF de fermer un site internet en créant une nouvelle infraction, et nous lui avons donné la possibilité de communiquer publiquement dès lors que des abus sont constatés. Les sanctions semblent donc suffisamment dissuasives ».

Pas suffisant pour le député du Pas-de-Calais, pour qui, concrètement, « s’ouvrir à ces produits financiers d’un nouveau type, pourquoi pas, mais les lancers sur le marché, avec une méthode aussi novatrice que la blockchain, sans rendre le label obligatoire et sans instaurer davantage de contrôles, c’est vraiment jouer avec le feu. C’est faire prendre un risque très important aux marchés boursier et financier français et, surtout, aux investisseurs français (…). Vous verrez que vous aurez fait prendre un grand risque à notre pays ».

Face à ces craintes, des députés crypto-enthousiastes : « Je tiens à l’article 26, a de nouveau déclaré Laure de La Raudière. Tous ceux qui sont favorables à la régulation doivent absolument le voter ! Sans attendre ! C’est une évidence ! (…) L’intention est de créer une réglementation qui soit la plus vertueuse possible mais ne ferme pas la porte à ce nouveau marché que l’on ne maîtrise pas encore complètement, et qui peut être le sous-jacent à de nombreux nouveaux services dans une nouvelle économie ». Un cadre qui constitue une première brique.

Pierre Person, fait également partie de ceux que l’on nomme désormais les crypto-députés. Il avait déposé deux amendements, dont un a été adopté (TA AN, n° 1761, 2018-2019, amendement no 429). Pour Jean-Noël Barrot, « Cet amendement (…) vise à entourer le dispositif d’une précaution supplémentaire : le document d’information préparé par l’émetteur de jetons – ou cryptoactifs – et soumis au visa de l’AMF devra indiquer notamment les conditions dans lesquelles une information est fournie annuellement aux souscripteurs sur l’utilisation des actifs recueillis. Le souscripteur, c’est-à-dire l’investisseur, sera donc informé non seulement au moment de l’émission, mais aussi chaque année. L’objectif est qu’il soit bien au courant des progrès de l’entreprise qu’il finance ».

En revanche, l’autre amendement du député de la 6e circonscription de Paris (TA AN n° 1761, 2018-2019, amendement no 431), qui visait également à mieux protéger les investisseurs, n’a pas été soutenu. Son objectif : limiter les cas d’arnaque (par trucage du code, pour permettre à l’émetteur de dérober les fonds levés) et détecter les projets d’offre au public de jetons qui ne correspondraient pas à la description faite dans le document d’information transmis à l’AMF. Concrètement, cet amendement proposait de permettre à l’AMF de faire auditer le smart contract par des experts, afin de rendre transparentes d’éventuelles irrégularités, volontaires ou non, par exemple lorsque le code n’est pas en open source ou lorsque les investisseurs n’ont pas la compétence pour l’analyser.

Le texte adopté en nouvelle lecture le 15 mars repart maintenant au Sénat, où il sera examiné en commission spéciale (Sénat, Agenda, 27 mars 2019) à partir du 27 mars...

 
Source : Actualités du droit