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Action en remboursement du prêt consenti au débiteur après l'ouverture de sa procédure collective : quel juge est compétent ?

Affaires - Commercial
11/04/2019
Le 3 avril 2019, la Cour de cassation a affirmé que le juge du droit commun est compétent pour connaître de l’action d’une banque tendant au remboursement d'un prêt consenti à un débiteur après l'ouverture de sa procédure collective.

L'action d'une banque, tendant au remboursement d'un prêt consenti à un débiteur après l'ouverture de sa procédure collective, n'est pas née de cette procédure et la circonstance que le juge soit amené, pour trancher la contestation, à faire application des règles du droit des procédures collectives pour déterminer les conséquences à tirer du dessaisissement du débiteur, ne suffit pas à la soumettre à l'influence juridique de la procédure collective et dès lors à faire échapper à la compétence du juge du droit commun une action qui, en dehors de toute procédure collective, relève de sa compétence.

Tel est le sens d’un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 3 avril 2019.

En l’espèce une personne physique (le débiteur) a été mis en liquidation judiciaire en sa qualité d'associé d’une société en nom collectif (SNC) le 14 décembre 1994. Par un acte sous seing privé du 23 novembre 2012, une banque a consenti au débiteur un prêt d'un montant de 18 900 000 euros pour une durée de trois ans. Un arrêt du 30 juin 2015, devenu irrévocable, a jugé que le débiteur était toujours en liquidation judiciaire, en sa qualité d'associé de la SNC dont la liquidation judiciaire n'avait pas été rétractée. Le 28 juillet 2014, la banque a assigné le débiteur devant le tribunal de grande instance de Paris en remboursement du solde impayé du prêt. Le débiteur a alors soulevé l'incompétence de ce tribunal au profit du tribunal de commerce de Paris. Le juge de la mise en état a rejeté cette exception.

L’arrêt d’appel (CA Paris, Pôle 5, ch. 6, 10 nov. 2017, n° 17/10874) a infirmé l'ordonnance du juge de la mise en état, déclaré le tribunal de commerce de Paris compétent pour connaître de l'action en paiement de la banque et lui a renvoyé l'affaire. Pour ce faire, les juges d’appel ont constaté que la liquidation judiciaire du débiteur, en sa qualité d'associé de la SNC, est toujours en cours. Ils retiennent alors qu'elle exerce sur la recevabilité et le bien-fondé de l'action de la banque une influence juridique, la possibilité d'agir contre le débiteur étant soumise aux règles spécifiques de la procédure collective et l'existence de la liquidation judiciaire étant susceptible d'avoir des conséquences sur la capacité du débiteur à contracter un prêt engageant un patrimoine dont il était censé être dessaisi.

Énonçant la solution précitée, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa de l’article 174 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985. Bien que rendue pour une procédure collective soumise aux anciens textes, cette solution trouve toujours à s’appliquer aujourd’hui.

Par Vincent Téchené

Source : Actualités du droit