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Conversion d’un bail à métayage en fermage : attention aux droits fondamentaux du bailleur !

Civil - Immobilier
21/10/2019
Lors d’une conversion d’un bail à métayage en un bail à ferme, la Cour de cassation impose aux juges du fond d’opérer un contrôle de proportionnalité entre le but légitime poursuivi et le droit au respect des biens du bailleur. 
Le bail à métayage et le bail à ferme diffèrent principalement quant au mode de rémunération du bailleur. En cas de fermage, ce dernier perçoit un loyer prédéterminé alors qu’en cas de métayage il reçoit une part des produits de l'exploitation (Code rural et de la pêche maritime : articles L. 411-1 à L. 411-78). 

En l’espèce, une exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) conclut un bail à métayage concernant des parcelles de vignes appartenant à un groupement foncier agricole (GFA). Vingt ans plus tard, le preneur notifie au bailleur une demande de conversion du bail à métayage en bail à ferme. Face au refus du bailleur, il saisit un tribunal paritaire des baux ruraux. La conversion du bail étant prononcée, le GFA forme un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation refuse tout d’abord de se prononcer au regard du droit européen puisque « le GFA ne démontre pas en quoi les principes généraux reconnus par le droit de l’Union européenne seraient méconnus, à défaut d’établir la condition d’extranéité nécessaire à l’application des dispositions invoquées ».

Les magistrats devaient ainsi déterminer si la conversion du bail à métayage en bail à ferme portait atteinte au droit au respect des biens du bailleur. 

La juridiction se prononce au double visa de l’article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales relatif au droit au respect de ses biens ainsi que sur l’article L. 417-11 du Code rural et de la pêche maritime qui règlemente la conversion d’un bail à métayage en fermage.  

Elle relève que pour ordonner la conversion en bail à ferme, la cour d’appel « retient que les dispositions du statut du fermage et du métayage n'ont pas pour effet de priver le bailleur de son droit de propriété, mais apportent seulement des limitations à son droit d'usage ». 

Ainsi, « l’ingérence qu’elles constituent est prévue par la loi, à savoir les dispositions pertinentes du Code rural ; qu'en ce qui concerne le but poursuivi, le législateur national dispose d'une grande latitude pour mener une politique économique et sociale et concevoir les impératifs de l'utilité publique ou de l'intérêt général, sauf si son jugement se révèle manifestement dépourvu de base raisonnable ; que la conversion du bail à métayage est fondée sur l'objectif d'intérêt général tendant à privilégier la mise en valeur directe des terres agricoles et spécialement à donner à l'exploitant la pleine responsabilité de la conduite de son exploitation ».

Enfin, quant à la rémunération, la juridiction souligne que « s'il est exact que le paiement d'un fermage, dont le montant est encadré par la loi, peut apporter au bailleur des ressources moindres que la part de récolte stipulée au bail à métayage, la conversion en bail à ferme n'est cependant pas dépourvue de tempéraments et de contreparties, de sorte qu’un juste équilibre se trouve ménagé entre les exigences raisonnables de l'intérêt général et la protection du droit au respect des biens du bailleur, les limitations apportées au droit d'usage de ce dernier n'étant pas disproportionnées au regard du but légitime poursuivi ».

Pourtant, pour la Cour de cassation, « en statuant ainsi, sans rechercher concrètement, comme il le lui était demandé, si la conversion du métayage en fermage, en ce qu’elle privait le GFA de la perception en nature des fruits de la parcelle louée et en ce qu’elle était dépourvue de tout système effectif d’indemnisation, ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de ses biens au regard du but légitime poursuivi, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».

L’arrêt d’appel est donc cassé et renvoyé. Sans se prononcer sur la solution d’espèce, les magistrats imposent aux juges du fond de réaliser un contrôle in concreto de proportionnalité entre le droit au respect de ses biens et le but légitime poursuivi.
Source : Actualités du droit